Chroniques Temporelles
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Quand le RP se joue du Temps
 
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 Bachnya : la Forteresse

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Fotina
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almeria
Basile
Anna
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Anna

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MessageSujet: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeLun 9 Avr - 1:33

Droite et fière, debout depuis la nuit des temps sur son piton rocheux. Elle étend son ombre oppressante sur la ville à ses pieds. Monument construit à la gloire d'une époque révolue. Celui où ses maîtres pouvaient traverser le monde en se sentant chez eux partout. Chacun, l'un après l'autre, ceux qui l'ont possédée ont ajouté leur touche personnelle. Aujourd'hui, elle ressemble à un collage illusoire de tours et d'avancées de pierres. Grise, outrageusement gigantesque, elle est à l'image de ceux qui la peuplent. Délirante et suintant le stupre.
Fermée au reste du monde par une porte monumentale à double battant. Bardées de fer et sculptée de faces grimaçantes. La peur, l'ultime moyen de persuasion. Deux gardes en faction en permanence devant elle. Ils sont les gardiens des complots internes.
En son centre, une cour à partir de laquelle se répartissent les logements des domestiques, les cuisines et écuries. Dans ses étages, des enfilades de couloirs sombres, des pièces aux dimensions aussi hallucinantes que la forme des tours dans lesquelles elles s'enchâssent. Et partout des escaliers sans fin.
Grouillante de vie. Son peuple y arpente ses veines comme le sang noir coule dans celles des Chronophages. Des cris résonnent, des appels se répercutent sans fin contre les murs épais, des murmures se glissent sous les portes.
Vomissante de trop de tentures, tapis, coussins en tout genre. Son intérieur est l'antonyme de son apparence extérieure. Les maîtres des lieux ont accumulé tout ce qui brille et a une quelconque valeur en ces temps. Ils se saoulent les yeux et se noient l'esprit.
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMar 17 Avr - 15:38

Il y a des éclats de voix qui roulent entre les murs. Dans le couloir, les dalles de basalte rabattent l'écho d'un coup sec. On entend les fantômes claquer contre les murs. Quelque chose mugit au fond du gouffre de Bachnya. Basile ouvre les yeux. Un jour plombé tombe sur les tentures qui protègent le lit. Les remous du velours font ramper sur les draps de vagues ombres sans noms. La lourde tringle de cuivre du baldaquin a laissé échappé l'un des anneaux du rideau. Là, le tissu s'ouvre comme une lèvre nonchalante et laisse couler un peu de ce jus gris que pisse encore et encore le ciel de Perehod. Ailleurs, il laisse passer de sombres transparences de sang caillé. Toutes choses ici se déploient lentement. La couleur même du velours est comme un amorti du temps. Et les échos qui s'étirent. Et le bas bourdon du vent qui ronfle dans les couloirs. Un rêve de dragon cacochyme, voilà ce que c'est que cette immense forteresse.

Dans le lit refermé, pesant comme une alcôve, le corps nu de Basile se déplie en silence. La main parcourt la surface du drap. N'y rencontre rien d'autre que les plis de la nuit. L'odeur des corps plâne comme un vautour. Elle n'est pas là. Pas loin, mais pas là. Pourtant, il a encore entre les dents le goût salé de sa peau. Sur ses lèvres le poivre léger de son sang. Il tend l'oreille mais n'entend rien d'elle. Déjà réveillée, déjà ailleurs, ou seulement dissimulée tout près dans la chanson du vent qui rugit en rafales, là, dehors, et balance dans la pièce comme un crépitement. Basile se penche, écarte le rideau. Par le double battant qui ouvre sur le balcon, des grains glacés de pluie viennent battre la pierre du banc. En trois pas il est dehors, contre la ballustrade. Le crachin l'enveloppe. Zdrapnye, le vent gris, l'un des huit vents de Perehod, lui rape soudain l'échine de son baiser glacé. Zdrapnye, Celui qui Dérobe. Il a froid. En dessous de lui, un peu perdue dans le flou du crachin, la ville étale ses toits luisants. La ville grouille. Tellement loin en dessous.


Dernière édition par le Mar 17 Avr - 23:52, édité 1 fois
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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMar 17 Avr - 18:33

Levée avant l'astre. Elle a laissé glisser ses pieds nus sur les tapis de la chambre, quitté la chaleur de la couche pour aller chasser un cauchemar au milieu de ses livres. Lourde porte refermée sur le sommeil du corps qui repose. Couloirs, escaliers glaciaux avalés dans la lueur tremblante des lampes. Deux étages au-dessus, oublié d'eux tous, le refuge personnel. Sonner pour que quelqu'un vienne faire de la lumière et attiser le feu. A toute heure, toute la saison pluvieuse, les feux restent allumés dans toutes les pièces de la bâtisse. Même ici.
Pas un regard pour l'être insignifiant qui vient en courant s'acquitter de sa tache. Pas un mot non plus. Aucun intérêt.
Elle se drape un peu plus dans le lourd manteau qui la couvre, se love dans un fauteuil et laisse aller ses yeux à l'ascension des étagères ployant sous le poids des années d'écriture accumulée. Sur une console, près d'elle, un volume repose, la main le saisit prudemment et l'esprit part à l'aventure de ses pages.

Un éclat de jour, tombe sur le sommeil revenu. Des doigts légers passent sur un visage étonné. Depuis combien de temps ... Les jambes se déplient, elle abandonne les lieux pour redescendre vers lui. Le service du matin se met en branle. Partout résonnent les sons habituels provenant des tréfonds de Bachnya. Le coeur, au petit jour, reprend ses palpitations. Le bois cède sous le poids de la main découvrant la chambre surchargée, l'odeur suave, la chaleur du feu ronronnant. Un regard vers le lit ... personne ... Haussement léger des épaules, le lourd manteau glisse au sol dans un silence feutré. Elle s'allonge entre les draps encore empreint de sa chaleur. Courant d'air froid sur la joue. Le regard va trouver réponse à la question. Debout, luisant de la fine pellicule d'eau qui le nimbe, il est encore à observer ces vermisseaux qui rampent à leurs pieds. Elle pose son visage sur sa main, le coude replié, et l'observe. Bien plus grand qu'elle. Ca a toujours été comme ça. De trois ans son aîné, découplé comme un cheval racé. Hautain comme ils se doivent de l'être. Elle frissonne à le voir ainsi dans le vent. Voix profonde où les sons roulent comme des cailloux dévalant une pente.


Viens là, laisse donc la pluie à ces vers imbéciles.
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMer 18 Avr - 16:02

Les bras croisés, il pose les coudes sur la rampe de granite qui court le long du balcon. Dans les volutes de brume aqueuse qui flottent en contrebas, les remous du vent se devinent parfois. L'air se mêle de mille coups de fusain, des traits infimes couleur de fer tirés sur le camaïeu gris des tuiles et de l'austère granite des demeures. Toute la ville est dominée par le gris : celui des nuées qui courent sans relâche entre deux coups de ciel bleu ; celui des pierres taillées que des escouades de travailleurs esclaves et de libres mineurs extirpent à grand effort du corps immense des falaises ; celui des tuiles qui dorment le long des toits pentus. Celui de l'eau qui ruisselle. Il y a aussi le gris fervent des yeux des femmes, des yeux que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans les contrées. Le gris pensif de la crinière des vieillards, celui des tristes masures de bois usées et délavées par le temps. Mais aujourd'hui, Basile suit du regard les taches de couleur qui serpentent à ses pieds, de gros insectes chamarrés glissent silencieusement au coin des rues et se posent sur la place Vremya : les chariots des marchands prennent place pour la Foire du mois, leurs bâches se déployent et claquent dans les sursauts du vent comme d'informes fanions. Cela crache du vert, du jaune tout droit volé au soleil, des rouges en quantité, peu de bleu en revanche : ces teintures là sont bien chères, même pour un marchand achalandé. C'est à qui aura l'étal le plus criard pour attirer les regards. Dans le dos du jeune homme, une voix familère résonne.

Viens là, laisse donc la pluie à ces vers imbéciles.

Il se retourne en souriant.

Te revoilà, ma soeur, blottie comme un chaton dans ses coussins !

Entre deux plis du baldaquin, un visage familier lui jette pour toute réponse un regard à demi moqueur, à demi provocant.

Te revoilà qui ronronnes d'une fournaise plus brûlante que toutes les cheminées de ce foutu palais !

Il s'approche du lit, écarte la tenture et s'asseoit près du corps allongé d'Anna. Du bout du doigt, il suit une courbe connue et trace sur le dos, du bout de l'ongle, un petit sillon rose qui s'efface aussitôt.

La Foire commence là-bas. Nous y verrons des choses intéressantes je crois. La pluie, mon âme, dissimule mille choses intéressantes, pourquoi les laisserions-nous à tes amis les vermisseaux ?

L'agacer un peu est toujours un plaisir. Anna qui se hérisse, il ne connaît rien de meilleur. Et puis le vent dicte sa loi : quand souffle le vent gris, le désir doit rester un peu inaccompli. Chaque chose à son heure. Mais il penche le buste et pose les lèvres ouvertes au creux des cuisses. Avant d'inaccomplir quelque chose, rien n'interdit de le faire croître un peu. Ne pas se contenter de ce qui est petit. Le désir qui ne brûle pas jusques au fond du ventre et des poumons n'est qu'une petite envie. Digne d'un vermisseau.


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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMer 18 Avr - 23:41

Froncement de sourcils et moue réprobatrice. Le voilà reparti à vouloir quitter la forteresse pour traîner dans ce dédale crasseux. Elle le repousse de la main, s'assoit, l'air revêche.

La foire ... encore ! Quel plaisir pourrions nous trouver à les regarder s'échanger leurs minables petites choses !

Rien qu'à en exprimer l'idée, les odeurs épouvantables de tous ces gens réunis là-bas lui revient aux narines. Elle n'avait jamais compris l'intérêt qu'il trouvait à ainsi explorer de plus près les us et coutumes de ces ... pouah ! il n'y a même pas de mot pour exprimer le rang qu'elle leur accorde.

Le Tyran ne va pas aimer ....

Le Tyran ... père absent mais ombre permanente dans leur vie à tous deux. Omniprésent et jamais là vraiment. Pas un père, un monarque, un dominateur qui attendait d'eux qu'ils obéissent comme le reste du monde. Depuis longtemps déjà, ils l'avaient affublé de ce surnom, l'utilisant quand ils se savaient seuls. Si le Tyran en question l'avait appris ...
Elle ramène ses jambes vers elle, entourant ses genoux de ses bras. Les yeux se mettent au diapason du ciel, l'orage gronde, la voix monte.


Tu tiens vraiment à ce qu'on y aille ? Tu crois réellement qu'ils valent la scène que l'on risque de subir au retour ?

Ritournelle, ronde des mots, même pièce rejouée depuis la première fois où ils se sont esquivés. Elle s'oppose, discute, tonne, s'écoute rugir avec délectation.Mais l'idée de fausser compagnie au vieux bouc ...
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 1:08

Quelle scène, soeurette ? Il ne veut pas que nous sortions sans escorte et flonflons, question de rang. Il a raison, le vieux bouc. Le rang mérite respect, sonneries de buccin et toutes ces cérémonies. Seulement, si ce ne sont que deux servants qui sortent, hmmmm.... pas de rang, pas d'escorte, pas de cérémonie : pas de faute !

Il observe en riant l'air boudeur qui s'installe sur les traits de sa soeur. Une chamaillerie du matin, au sortir d'une nuit longue d'accords parfaits au plus profonds des corps mesurés l'un à l'autre. Car il faut bien aussi que se mesurent les âmes et quoi de mieux pour cela qu'un petit duel en paroles. Parfois feint, parfois sérieux. Qu'importe. Basile préfère les guerres et les tempêtes, la paix perpétuelle, quel ennui. Il se lève en bousculant un peu sa soeur de l'épaule, juste pour le plaisir du contact.

Alors, quel accoutrement choisirons-nous cette fois ? Il m'en faut un assez flottant pour que je puisse dissimuler mon glaive en tout cas.

Coulant un regard en coin vers Anna, il ajoute négligemment :

Ou alors, éviterons-nous de sortir par la porte ?


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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 2:31

pas de rang, pas de faute hein ....

Elle encaisse le coup sans broncher, le suit d'un regard lourd dans son ascension verticale. Qu'il est beau ce frère qu'ils lui ont offert. Seul don qu'elle aura jamais reçu. Tout le reste n'est que broutilles clinquantes, que liqueurs sucrées. Mieux que donné, ils lui ont abandonné. Personne ne se soucie de leurs élans orgiaques. A peine si quelques prétendants à la succession du vieux murmurent dans leurs dos. Foutaises que tout cela. Ils se seront depuis longtemps tous entre-tués avant que son règne arrive. Mais ce jour là ... mieux vaut ne pas y penser d'ailleurs. Pas encore.

Pas par la porte ...

Un râle de dépit fuit entre ses lèvres. Il a donc décidé de rééditer l'aventure. Elle se lève à son tour, plaque son corps chaud contre son dos, frémit sous le contraste créé par la fraîcheur de sa peau et le pince durement.

Cette fois, c'est toi qui passes devant !

Une poussée des mains sur ses épaules, elle se libère de lui. Puisqu'il a l'air entêté ce matin, autant se faire plaisir. Traversée ondoyante de l'alcôve fraternelle, elle joue des hanches avec la certitude que l'oeil n'a guère quitté les rondeurs princières. Couvrant le mur du fond, une tenture damasquinée dérobe aux regards la malle aux trésors de sales gamins vicieux. Elle repousse le tissu, s'accroupit devant un coffre par huit fois décoré et soulève avec effort le lourd couvercle cerclé. Là, gît tout ce qu'ils ont chapardé à chacune de leurs sorties. Elle plonge dans les profondeurs, éparpille partout autour ce qui ne l'intéresse pas et finit, victorieuse, par brandir quelques effets.
Un pantalon de toile brune prestement enfilé, une chemise rapiécée, un vieux veston marron pour camoufler ses monts et large ceinture pour maintenir l'ensemble.


tout cela manque de ....

Le regard expertise le contenu de la malle. Là, enfin ! En en extrait cette fois un galurin usé, du genre qu'utilise habituellement les paysans du coin pour se prévenir des pluies comme du soleil. Elle enroule ses cheveux d'un geste mille fois répété et les cache sous sa nouvelle parure. Un tour sur elle même, elle parait plutôt fière.

Qu'en dis tu ? Te voilà nanti d'un frère.
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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 15:53

Il ne la quitte pas du regard tandis qu'elle enfile son pantalon de toile, une harde informe qui a déjà la couleur de la crasse. Bien moins seyant que les robes qu'elle porte habituellement dans la Forteresse. Mais pour enfiler le vêtement, quel jeu de hanches ! Basile n'en perd pas une miette, à croire qu'elle essaye d'entrer dans un collant serré et non dans ce sac de pommes de terre mal ajusté. Un bruit léger sur le côté attire son attention. Il se tourne vers la servante qui vient de se faufiler dans la chambre. Ses yeux froids croisent ceux de la fille et surprennent son regard. Evidemment, nu comme il l'est, les souvenirs nocturnes qu'il caressait du regard laissent un peu deviner leur nature. La fille baisse la tête hâtivement, recule d'un pas. Nulle marque de fierté ou d'insolence n'est supportée ici de la part des domestiques. Un regard mal placé, une parole de trop, parfois, ont eu pour conclusion rapide un séjour de quelques jours dans les cachots du palais. Sans compter quelques corrections nécessaires pour bien faire entrer la leçon. Dans sa nervosité, la jeune fille manque de laisser choir la cuvette et le broc qu'elle apporte. Elle murmure une sorte d'excuse, quelque chose d'indistinct, pose les deux récipients et trotte nerveusement vers le fond de la chambre, là où se trouve la cuvette à changer, couverte de son rabat de bois peint. La substitution des deux pots s'effectue en silence, seuls les froufrous des hardes qu'essaye Anna volètent entre les murs. Le vent, qui s'était tu comme pour souligner la faute de la servante, reprend son hululement sinistre dans les couloirs. La porte se referme. Anna exhibe fièrement sa trouvaille .

Qu'en dis tu ? Te voilà nanti d'un frère.

Il détaille la silhouette fuselée de sa soeur, désormais noyée dans les replis de la harde. Le déguisement n'est pas vraiment mauvais mais les traits du visage n'ont rien de bien viril. Enfin, qu'importe, un très jeune frère peut-être, oui...

Quel dommage soeurette, si on se fait prendre par les gardes au moment où je te pince le cul. Crois-tu qu'ils me couperaient la main tout de suite ou nous emmèneraient-ils aux Fosses avant ?

Un sourire brille soudain sur son visage, dévoilant une rangée d'impeccables dents blanches. Ce pourrait-être un jeu intéressant, à l'occasion. Il rejoint sa soeur auprès du coffre. Les hardes ont la couleur de la poussière mais elles sont imprégnées d'une vague odeur d'encens. Bah, dans la puanteur des rues, on ne sentira pas cela longtemps... Il extrait rapidement du fouillis un accoutrement similaire, un peu plus clair, auquel il joint une ceinture de portefaix. Un fourreau de vieux cuir craquelé rejoint à son tour le tas de vêtements, puis un sac. Basile revient au pied du lit et enfile d'un geste souple la tunique brodée qu'il y avait jetée. Il finit de réfléchir à haute voix en s'habillant.

D'accord, je passe le premier. Mettons ça dans le sac en attendant d'être près du passage. On ne peut pas se promener comme ça dans Bachnya. Et puis il y a un bout de corde pour t'assurer si ma main ne te suffit pas.

Son sourire s'élargit. Anna n'aime pas qu'on la taquine là-dessus. Vertige ou pas, à dix contre un elle refusera l'aide d'une corde. Evidemment, avec la pluie qui bat les flancs de la Forteresse, la corniche risque fort d'être glissante. Mais le passage à franchir est étroit. Le premier qui passe peut aider l'autre sur la dernière moitié. Les vents décideront...


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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 19:29

Hochement de tête. Elle retire son accoutrement pour le fourrer sans ménagement dans le sac. Ne même pas prendre la peine de relever la remarque sur cette bête histoire de corde. Comme si elle en avait jamais eu besoin ...
Un brin de toilette à la cuvette apportée, elle fait glisser l'eau sur la peau blanche de ne jamais taquiner l'astre incandescent. Nerfs aiguisés par la morsure froide, sourire, l’œil à demi fermé. Devant la cheminée, elle abandonne le séchage à la chaleur des flammes et finit par se décider à revêtir une robe pas trop compliquée à retirer. C’est qu’il y avait parfois de ces montages de tissus et autres lacets en tous genres. Il lui arrivait d’hurler de rage après une bataille contre ces entrelacs sans fin.


Tu crois que les vieilles femmes seront encore là ? Tu crois que nous reverrons celle qui voulait nous dire notre avenir ?

Déjà la main sur la porte, elle l’ouvre et se courbe devant son frère dans une révérence basse.

Après vous mon doux sire.
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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 22:57

Les vieilles...

Basile hésite une fraction de seconde avant que le souvenir de la rencontre lui revienne à l'esprit. Les vieilles, oui, pas le genre de personnes à se déplacer beaucoup. Il se souvient de leur peau parcheminée à l'excès, on aurait presque dit des scarifications. Elles aussi avaient pris sur l'épiderme le gris tenace de Perehod et leur corps tout entier, ridé comme une écorce centenaire, semblait dans certaines lumières fait du même granite que les murs de la ville. Est-ce que les montagnes se déplacent ? Elles seraient là, ou pas loin. Cela dépendrait du nombre de nuages qu'elles auraient vu passer.

En tout cas, avant de nous parler de notre avenir, j'aimerais bien qu'elle nous dise quelque chose sur notre passé. Nous verrons bien jusqu'où elle est voyante, l'ancêtre. Et jusqu'où on l'écoutera.

La perspective d'une nouvelle rencontre avec ces trois momies ne lui souriait qu'à moitié. Les vieux ont un rythme bien à eux. Ce n'est pas un hasard s'ils sont si minéraux. Ils ont l'âge de pierre. Ils respirent au rythme de la terre. Basile, lui, a la vie devant lui. La vie entière, celle du moins qu'il parviendra à défendre contre le poignard et le poison, l'on n'est pas prince à peu de risques. Il ne sait pas encore parler aux pierres. Il sait qu'il aura à apprendre, bientôt, quand les derniers rites qui feront de lui un homme à part entière, apte à conduire des armées pour commencer, le Royaume après, peut-être. En attendant ce moment qui approche, Basile ignore la pierre. Il vit et souffle au rythme de la mer : quelques marées étales parfois, beaucoup de tempêtes et d'écume. Il connait pourtant déjà la leçon qu'il aura à graver dans sa chair : la mer échoue toujours à briser les falaises. Oui, ils iront écouter les vieilles, peut-être auront-elles des choses à dire qui serviront. Et puis ce qu'Anna veut...

Il avance rapidement dans les couloirs, le sac rempli de leurs effets lui bat le dos. Ils croisent plusieurs blanchisseuses aux bras chargés de balluchons de tissus frais, un ou deux valets-luminaires qui s'arrêtent et se collent au mur pour les laisser passer, la tête inclinée au plus bas en signe de respect, les yeux fixés sur le bout de leurs pieds comme s'ils y avaient soudain trouvé quelque curieux et entêtant trésor. En approchant de l'aile Nord, les bruits de la Forteresse s'étouffent un peu. Dans l'immense édifice, certaines zones sont rarement utilisées. C'est par ici, bien sûr, que s'ouvre la porte qu'ils recherchent à présent et c'est dans ces ténèbres-ci que plonge l'escalier où ils s'engloutiront. Anna marche à peine derrière lui, elle le frôle parfois quand les couloirs s'étrécissent entre deux colonnades. Il perçoit distinctement le cliquetis infime de ses boucles d'oreilles. Est-ce que sa respiration à elle aussi s'est, un peu, accélérée quand ils sont entrés dans le dernier couloir ?

Laquelle préfères-tu des trois ? Moi, celle qui est borgne.

Elle avait un regard, oui... bien plus entier et bien plus dur que les deux autres. Un regard de tueur. Celle-là n'était pas faite pour servir. Elle était du même sang qu'eux, du sang des Maîtres. Pas besoin d'habiter les étages les plus élevés de la Forteresse pour cela, contrairement à ce qu'affirmaient quelques rejetons dégénérés qui se pâmaient là-haut dans leurs bains parfumés. L'âme déteint sur le sang. Ou l'inverse.
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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeJeu 19 Avr - 23:37

Déambulation pressée dans les couloirs rongés par les portes. Pas un mur plein, pas une pierre qui n'aura été torturée pour laisser place à une ouverture. Avancée d'un îlot de lumière à un autre, le tout étant de ne pas trembler à chaque trou de pénombre. Combien sont morts pour avoir oublié de jeter un regard par dessus leur épaule ?
Les corps se redressent, les têtes naturellement reprennent cet air de supériorité de propriétaires. Tout est à eux ici, même ces bougres à peine remarqués sur leur passage. D'un même pas, ils parcourent Bachnya, à peine si elle doit allonger sa foulée pour ne pas lui laisser croire qu'il pourrait la distancer. Pensif mon frère ...
Elle pose une main sur son ventre où réside la larve de peur qui aime se rappeler à elle quand il plonge trop loin dans ses réflexions. Elle sait, depuis longtemps déjà, que tout cela ne saurait durer. Il faudra s'y résoudre ... ou combattre ...


La borgne ... hum ... non. Je préfère celle qui ressemble à un fruit trop longtemps resté au soleil. Elle a une voix ... on croirait qu'elle est déjà morte.

Une lueur vicieuse voile son regard. La mort des autres l'a toujours fascinée. Petite, elle se tenait cachée dans la grande salle centrale, pour écouter le vieux prononcer ses sentences et ses condamnations. Et elle imaginait ...
Ils tournent un nouvel angle, agressif l'angle, pour suivre la voie qu'ils se sont aujourd'hui réservée. Sans y penser, elle se rapproche de lui, son rempart. Quelques pas encore, la porte se dévoile. Ils auront mis du temps à la découvrir dans les méandres de la forteresse. Elle n'avait pas voulu se laisser conquérir facilement. Revêche, exigeante, l'extérieur doit se mériter. Mais le hasard et leur obsession à toujours fuir les autres membres de leur famille débilitante leur ont donné les clés du trésor enfoui.
Il ouvre l'accès, un souffle froid monte à leur rencontre. Chute vertigineuse, les degré s'enfoncent en tournant tellement serrés sur eux mêmes, qu'on ne peut distinguer plus loin que trois marches devant soi. Il s'engouffre à la conquête de la nuit environnante et elle tire la porte derrière eux. Un soupir ténu, elle pose une main sur son épaule pour entamer la descente ...
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almeria

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeLun 23 Avr - 1:58

Les deux batards sont partis. Almeria pénètre dans la chambre, inspecte son contenu un léger sourire aux lèvres. Elle connaît bien cette pièce, ce lit. Combien de fois déjà… dix, vingt ? Et pas qu’avec des petits, non les grands de ce palais aiment à se vautrer dans les lieux qui leurs sont interdits.
Arf, les « sangs noirs » ont des désirs bien spéciaux…Mais elle est prête à les satisfaire, encore et encore si cela peut lui servir.

Elle hait sa condition de femme de chambre, elle hait la bêtise crasse des ses pareils, leurs manquent d’ambitions, de désirs, leurs servitude chevillée aux corps… Elle veut du luxe, le pouvoir et fera ce qu’il faut pour l’obtenir.

Mais le frère et la sœur, ceux là sont prometteurs. Leurs volontés, leurs machiavélismes, leur perversité, et leur si terrible beauté.
Elle les connaît bien les tourtereaux… Elle la femme de chambre que personne ne voit… Quoique, beaucoup l’ont déjà vu ! Même Le Vieux !!! Elle l’aime bien, lui malgré tout… Si il savait ! Mais peut être sait il ? Ce vieux grigou est capable de tout !

Oui, elle les connaît par cœur, ses anges déchus. Nait quelques jours avant eux, leurs vies se construisent en parallèle et parfois se croisent. Elle y veille. Ils ne la voient que rarement, le frère parfois lui jette d’étrange regard.
Elle a écouté, cachée derrière les tentures ou les recoins secrets utilisés que par les serviteurs, les leçons des précepteurs. Elle a appris avec eux les secrets du monde. Elle a séduit les maitres d’armes pour qu’ils lui enseignent leurs savoirs. Elle a dompté son corps pour qu’il soit lame aussi affutée que désirable. Elle se sait belle.

Traversant la chambre, comme si elle était sienne, elle écarte la tenture, ouvre le coffre et en inspecte le contenu.

Alors, mes amours, le grand extérieur vous appelle encore ? Le marché, les vieilles ? C’est toi, bel éphèbe qui entraine ta sœur n’est ce pas ? Elle, n’aime pas la plèbe, comme je la comprends… Alors, quelle porte cette fois ? Allons nous nous retrouverons, pas de porte dérobée pour moi, j’ai sur vous l’avantage de la liberté et de l’invisibilité !

Almeria se relève, referme le coffre et réarrange la tenture à l’endroit exact ou elle était. Gestes rendus instinctif par l’habitude. Elle sait maintenant à quoi ils ressembleront…
Derrière elle une servante de moindre rang, se faufile. Comme son grade l’exige, Almeria aboie des ordres :

Ménage, changer les draps, maintenir le feu… Un repas chaud pour leur retour et un verre de vin de printemps pour le prince, il adore ça… Pas un doigt sur la coiffeuse de la princesse ou il t’en cuira ! Et aère, ça sent le fauve en rut ici !

D’un pas dédaigneux, elle quitte la chambre. L’autorité et la haine se répercute à tout les niveaux dans la forteresse.
Vite, dévaler les escaliers, se précipiter vers le marché, elle a rendez vous avec deux clandestins…
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeLun 23 Avr - 12:32

La descente s'effectue à tâtons sur plusieurs dizaines de marches. La main gauche appuyée sur l'axe de la spirale, Basile progresse régulièrement. Tous deux connaissent le chemin, les marches, même étroites, sont assez régulières. Il faut poser le pied avec précision cependant, le talon collé au mieux près de la contremarche. La pierre suinte par endroits dans les ténèbres chargées d'humidité. De plus bas montent par saccades les sursauts mugissants du vent chargé d'iode et de pluie que rabat l'océan. Lui, concentré sur leur descente à l'aveuglette, réfléchit dans le noir aux paroles d'Anna. Celle qui a l'air d'un fruit trop longtemps resté au soleil... Il rit silencieusement, la comparaison est bien trouvée. Il se demande soudain d'où sont sorties ces vieilles. Jamais croisées avant. Il est vrai qu'il y a dans la ville une quantité suffisante de gens pour ne pas les croiser tous, et surtout pour en oublier beaucoup. Mais celles-là avec leurs masques de momies parcheminées, s'il les avait déjà croisées, il s'en serait souvenu. Elles ont cette présence brutale qui perce le brouillard de n'importe quelle foule. Quelque chose de puissant qui les habite.

Tu as raison, murmure-t-il, celle-là, elle s'est imprégnée de siècles et de soleils. Elle a la forme du Temps.

Leur descente silencieuse les mène enfin sur le palier voulu. Devant eux, une sombre coursive éclairée de loin en loin par le jour gris qui tombe d'étroites meurtrières. Sur ce terrain, moins traître que l'escalier plongé dans les ténèbres, ils adoptent une allure plus décontractée pour rejoindre l'ouverture qu'ils recherchent. Là, l'une des meutrières présente un montant mal scellé. Basile se penche, tire et pousse selon une combinaison soigneusement reconnue de mouvements. La pierre quitte son logement en crissant. Quelques efforts de plus et le passage est ouvert, à peine suffisant pour que s'y faufilent leurs corps minces et souples. Au dehors, la face Nord de Bachnya déploie des mètres de granite austère. La route qui serpente autour du piton où se dresse la Forteresse passe une vingtaine de mètres en contrebas mais on ne la verra pas en passant la meurtrière éventrée : un surplomb de la roche la dissimule aux regards. Tous deux connaissent bien le trajet pour parvenir en bas : une suite de prises assez franches dans les interstices de la paroi, une corniche étroite qu'il faut franchir collés au mur, les mains à plat, en équilibre instalble, le seul passage vraiment difficile car il n'offre pas la moindre prise pour les doigts. Puis, après une vire plus plus confortable, une série de fissures discrètes mais franches permet d'atteindre et de franchir le surplomb pour qui sait les repérer et s'y prendre. Pour la fin du trajet, un arbre providentiel dresse là sa ramure, offrant tout à la fois un passage commode pour rejoindre la route et un abri bienvenu pour dissimuler les grimpeurs aux regards. Basile pose le sac contenant leurs affaires et sourit à Anna.

Allons-y, soeurette !

Ses vêtements tombent à terre, il revêt les hardes choisies pour l'occasion. Les vêtements abandonnés vont s'entasser à leur tour dans le sac, ainsi que le glaive et son fourreau. Rien, sous peine de chute, ne doit gêner leur progression sur le rocher. Tout à l'heure, il passera la ceinture de portefaix autour de ses épaules et y accrochera le sac pour garder les mains libres. Avec un peu de chance, en déplaçant la pierre le moins possible, les improbables rondes de guet qui arpenteraient dans cette coursive à l'abandon ne verront rien en passent devant la meurtrière truquée. Dans la pénombre frissonnante, nouveau jeu de hanches d'Anna tandis qu'elle lutte avec sa robe pour se changer. Impassible, il savoure le désir incandescent qui le fouaille et la candeur splendide de la provocation. Anna, ma soeur, ô mon corps partagé, pourquoi les dieux ont-ils créé un monde entier lorsque toi seule aurait suffi ?

Tes vieilles doivent toujours traîner pas bien loin de la Foire. Tu retrouverais l'endroit ?


Dernière édition par le Sam 28 Avr - 0:07, édité 1 fois
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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeLun 23 Avr - 17:15

Pas l'endroit non, mais l'odeur ...

Le dégoût fait sa place sur le visage encore bien jeune. Cette ville la révulse tellement qu'elle ne s'y dirige qu'à l'odorat. Elle se fout de connaître le nom des rues ou des places, elle sait où elle se trouve aux effluves que ses nerfs subissent. Tout son être se condense, en ces moments là, sur les haut le coeur que leur vue lui inspire. Mais puisqu'il faut qu'il sourie pour qu'elle vive, elle va toujours à suite dans ces escapades écoeurantes. Le prix n'est pas si cher payé.
La robe finit par céder aux assauts de ses doigts nerveux, les boucles d'oreilles et bracelets cliquetants disparaissent à sa suite dans le sac. Se grimer n'est pas bien long, la masse rousse se cache sous le galurin sans forme. Un regard inquiet vers l'ouverture sur le monde qui les happera là-bas. Elle prend une goulée d'air brûlante. Déjà tout cela empeste. Enfouir son visage dans le cou fraternel, respirer son âme, son double, avant le grand plongeon.


Allons y.

Pas de reproches dans sa voix, il veut, il aura. Elle le regarde se faufiler, félin, dans l'ouverture, aucune hésitation dans ses gestes. A sa suite, elle emprunte le passage. Ne pas penser au vide qui attire, qui appelle. Accrochés à la paroi, les corps ne faisant qu'un avec la roche, ils progressent vers la corniche qui, même après tant d'années, la fait encore frémir. L'esprit fixé sur les prises à enchaîner, elle retarde le moment où le courage, ou peut être la folie, lui feront dépasser cette peur insidieuse. Sa folie, rien d'autre que lui. Il coule dans ses veines, le même sang que le sien. La même faim inassouvie de fusionner.
La corniche, au sortir d'un angle assassin, se profile. Ne pas décoller ses mains de la pierre. Ne pas déplacer ses pieds autrement qu'en les faisant glisser. Ne pas respirer trop fort ... Un mouvement vif, il bascule sur ses épaules le fardeau de leurs hardes, la gardienne de leurs vies. Lame effilée, protectrice des démons. Démons, c'est sans doute comme cela que ce peuple imbécile les nomme. Son prénom sur les lèvres, elle se refuse à l'appeler, elle traversera sans rien dire. Pas de faiblesse admise dans Bachnya. Nés pour régner.

Le vent les cerne, accompagne leur descente. Il vient chanter à leurs oreilles la ritournelle de leur avenir. L'écouter est une vielle habitude. Fille des orages grondants, des tempêtes dévastatrices. Elle lit en lui les catastrophes qu'il annonce. Restée debout, droite dans sa mouvance, des heures entières. Sans ciller se soumettre à ses assauts. Se laisser emporter, visionnaire, au-delà des océans qu'il parcourt. Ressortir de ces rencontres détruite ou grandie. Peu importe l'enjeu.
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMar 24 Avr - 0:15

Le sol pierreux résonne à peine sous leurs pieds quand ils se laissent enfin tomber de la plus basse branche. La descente s'est bien passée, une fois de plus. Le vent virevolte autour d'eux. Ses caresses sont lourdes de pluies latentes. D'ici, la vue s'étend librement sur une mer grise hachée d'écume. Un navire de guerre progresse rapidemement vers le port, tirant une caraque aux peintures vives. Basile plisse en vain les yeux pour tenter de reconnaître le bâtiment marchand. Ce navire là vient de loin, et pour la première fois. Le drakken de guerre, lui, arbore le drapeau corsaire. Un marchand pris qui, à son corps défendant, viendra alimenter de ses soutes les coffres de la cité. Basile fouille dans le sac pour récupérer son arme. Anna est prête. Un peu réticente, comme toujours. Mais elle est là. Le vent joue autour d'elle. Basile passe le doigt sur son cou long et pâle. Comme à chaque fois qu'il la touche, c'est tout un monde de sensations et d'émotions obscures qui fuse entre leurs peaux. Des voix lointaines, des cris, des plaintes de plaisir, des chuchotis, des pensées, tout un chaos brumeux lui traverse l'esprit. S'il était faible,une pareille intensité lui couperait le souffle. Il pleurerait peut-être, la suprême beauté a souvent quelque chose de déchirant. Mais il est fait d'acier tendu, dur comme le glaive qu'il ceint à présent. Anna, il faut un dieu pour l'aimer à sa juste mesure, rien de moins. Et lui sera ce dieu. Côte à côte, ils prennent le chemin de la cité.


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almeria

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMar 24 Avr - 1:57

Almeria enfile les couloirs, pressée, c’est que ses pigeons voyageurs ne vont pas lui faire l’aumône de l’attendre. Seraient-ils au courant d’un dixième de son existence, qu’ils s’acharneraient à encore mieux se dissimuler, par pur amusement, voire à la faire enfermer, par amusement aussi… Mais elle compte bien provoquer un peu le destin. Elle a assez attendu, la chance ne se présente qu’a ceux qui vont la chercher, tel est l’un de ses credo.

Pensive, Almeria bouscule deux donzelles à peine plus âgées que ses deux mains réunies, avant de s’apercevoir qu’il s’agit de l’avant-garde d’un archi chancelier, archi duc ou un archi dans le genre, à qui elle a eu la faiblesse d’accorder ses faveurs, il y a quelques années pour obtenir un accès libre et illimité à la bibliothèque… Ce vieux matou s’imagine encore qu’elle admire les enluminures ! Elle ne l’a jamais détrompé. Qui ne sait rien, ne peut rien avouer.

Regard circulaire, afin de reprendre pied dans la réalité. Pas de chance, cette fois, l’endroit ne recèle aucune porte dérobée et l’archi vieux n’est hélas pas accompagné de son bouledogue de femelle. Celle là, rien qu’à la voir, on devine que pas une main, pas une lèvre ne l’a effleurée depuis… Ouh, l’instauration des chronophages ! Aussi desséchée qu’une momie, aussi perfide qu’une vipère un matin de printemps. C’est le genre à renverser sa tasse de thé, accuser la servante, rien que pour le plaisir de la voir fouettée.
Almeria s’est toujours arrangée pour ne pas être en sa présence, mais là, exception surprenante, elle espère presque voir sa silhouette d’épouvantail apparaître. Au moins, lui serait bien obligé de se tenir coi.

Hélas, mille fois hélas, elle est bel et bien seule face au libidineux qui dès qu’il relèvera la tête ne pourra manquer de la voir.
Redresser la tête, pas les yeux. Les garder timidement mais impudiquement baissés vers le sol, discrètement, entrouvrir son corsage, faire pigeonner la poitrine et onduler les hanches. Tant de gestes habituels qu’ils en perdent leur sens. Juste répondre aux désirs de celui qui veut, de celui qui peut un tant soit peu ouvrir les portes…

Voila, il l’a vue. Son sourire égrillard prouve qu’il ne l’a pas oubliée, malgré tout ce temps ou il était absent de la forteresse. Ceci dit, aucune de ses proies n’a encore eu l’audace de l’oublier !
D’un geste, il intime l’ordre à son aréopage de poursuivre vers un ailleurs. D’un œil habile, il note, lui aussi que le couloir est désert. Mais où donc sont passés les serviteurs et autres bons à rien qui infestent les couloirs habituellement ?

Tendant son bras, il lui interdit le passage, la bloque contre le mur. Nabot qui ne lui arrive qu’au menton, elle sait ce qu’il désire. Se plaisant à imaginer qu’il est l’homme qui… Et oublier que c’est sa condition qui… Elle la servante, lui le notable… Pathétique !

Almeria encaisse sans broncher l’haleine empuantie d’un plat trop aillé, garde la tête baissée mais répond d’un regard aux mains qui s’insinuent sous son corsage. Et dire que ses deux tourtereaux pendant ce temps volent à travers la ville, mais qu’il en finisse ce vieux fou qu’elle puisse enfin les rejoindre.

Laisser son corps répondre aux pétrissements de l’homme. Coller son bassin, cambrer ses reins. Et cette voix empressée qui lui susurre à l’oreille :

Ce soir, ma belette….après le diner… Dans mon bureau… Sois à l’heure !
Papillonner des paupières en signe d’acquiescement. Pas de paroles, pas ici.

Les bras la relâchent enfin, d’un pas hautain il s’éloigne d’elle. Alméria laisse échapper un soupir de soulagement. Ca n’aura pas été pire après tout !

Vite, maintenant, rattraper le temps perdu, plus question de se laisser déconcentrer. Il est plus que temps de trouver ses protégés… Avant qu’ils ne s’envolent.
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Bogumir Senjak

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMer 25 Avr - 22:05

C'est très curieux cette façon qu'ont les paroles de résonner dans cette salle...

se dit Bogumir en toisant du regard le plus glacial possible l'ambassadeur qui s'incline devant lui pour se retirer en ses appartements.

Nous vous souhaitons la bienvenue. Que votre bref séjour ici vous soit agréable.

Il insiste à dessein sur le mot "bref". L'autre a compris. Bien sûr. Un ambassadeur comprend facilement ce genre de choses. C'est ce qui est plaisant avec eux. Humiliez-les à votre gré, ils courbent l'échine comme le dernier des manants si vous enrobez comme il faut les injures que vous leur faites. Ils cultivent les apparences avec la même ferveur que les prêtres cultivent leurs Mystères. A une différence près : les Mystères ne sont pas des dénis de réalité. Les Mystères voilent le coeur obscur des choses, l'essence est indicible, la parole sybilline ouvre la seule voie. Les apparences ne voilent que la peau des choses. L'injure reste l'injure. Celui qui plie reste un vaincu. Bogumir se retient de cracher à la face servile de l'homme qui se retire. Il est des gestes qu'aucune apparence ne peut plus occulter. Des gestes inutiles aussi : les esclaves sont ce qu'ils sont. On peut certes mépriser leur essence inférieure. Inutile de les accabler : la punition ne redresse que celui qui se peut redresser. Un esclave reste toujours courbé. Toujours.

Bogumir, le Gardien, le Maître de Perehod, Commandeur des Armées, Fléau du Nord, ne quitte du regard l'homme qui se retire que lorsque celui-ci franchit enfin à reculons le double rideau d'apparat qui marque symboliquement la frontière entre l'espace Politique, ici, au pied du trône, et l'espace Cérémoniel, là-bas. Celui qui entre dans l'espace Politique en présence du Gardien n'est plus qu'une fonction. Il n'existe que comme rouage des intérêts et des puissances qu'il représente. Ici, toute parole est officielle. Ici, le moindre écart, la moindre erreur se paye au prix fort : la guerre, la mort, l'assassinat. Et puis l'oubli qui ensevelit toujours les perdants. Le double rideau de velours rouge qui marque la frontière est accroché à un portique, douze mètres exactement devant le trône du Gardien. Il coupe l'allée qui mène à l'imposante porte qui ouvre l'accès des visiteurs à la Salle du Trône. De part et d'autre de l'allée, un immense espace vide se déploie, occupé par une foule empressée les jours de grande cérémonie, hanté par les échos la plupart du temps. Le rideau n'est qu'une frontière symbolique. Il n'arrête ni le regard, ni le son. Et de l'autre côté du rideau, celui qui revient dans l'espace Cérémoniel redevient ce qu'il est : un humain au milieu d'autres humains. Ne redevient que ce qu'il est. Ce qu'il dit là, ce qu'il fait là ne concerne plus que lui. Dans les limites de l'étiquette, évidemment.

Bogumir fait un signe. Le chambellan, qui attendait un peu en retrait, approche d'un pas coulant et se penche vers le Gardien.

- Les Marzian sont arrivés, Pankratt. Ils se sont arrêtés à l'Auberge du Vent.

Bogumir réfléchit rapidement. Les Marzian se déplacent rarement pour le plaisir. Les Marzian... une vieille famille de haute noblesse, les éternels rivaux du clan Senjak, les éternels seconds. Des vipères nuisibles. Mais puissantes. Riches. Armés. Influents. Pas tant qu'ils le voudraient, loin s'en faut. Mais tout de même, des vipères qu'il faut garder à l'oeil.

Fais-les suivre. Tu connais les consignes.

Un geste de la main congédie le chambellan. La Politique suit son cours. Quelqu'un d'autre approche du rideau rouge. Au suivant.
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Isadora Senjak

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeSam 28 Avr - 21:08

Au bout de la tour Zabvyénie, après détours et escaliers sans fin, au bout de la perte du sens d'orientation, dans un appartement surchauffé, une vielle croule sous le poids d'une robe où les broderies font la nique aux pierres de tout gabarit. Posée dans son fauteuil recouvert de velours sombre, elle crache son fiel à l'oreille attentive d'une cousine au troisième degré par sa grand-tante. Les mains fripées triturent un vélin trop souvent lu et relu.

Tu vois, Fremya, tu vois ... ici, c'est à cette génération que Bogumir et sa saleté de femme nous on volé le trône ! Enfin, son père. Et si mon imbécile de frère avait été plus fin joueur, nous ne serions pas obligés de demander l'aumône à ces rats à l'heure qu'il est.

Atmosphère lourde de rancunes depuis trop d'années ravalées, de manigances trop souvent avortées, de complots déjoués. Elle en aura tissé des trames et creusé des chausses-trappes. Mais toujours, ils lui ont glissé entre les doigts. Et, il ne fallait pas compter sur les deux demeurés pervers de Bogumir pour céder leur place gentiment. Peut importe, elle avait encore du temps devant elle la harpie. Elle avait encore des choses à tenter.

Tapisseries, tentures, sol couvert de fourrures aux nuances sans nombre. La pièce, dont elle ne sort quasiment plus depuis des années, est devenu le reflet de ses ambitions enfouies. Luxe, à défaut de luxure, obséquiosité, fortune, ne lui manque que le pouvoir. Si seulement cette pauvre Fremya était jolie. Elle aurait peut être pu soudoyer Basile par ses charmes. Les yeux, blanchis par l'âge et la cataracte, se posent sur le visage ingrat qui lui fait face. Une moue de dépit, un murmure à peine réprimé.


mais non ... évidement non ...
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Bogumir Senjak

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMer 2 Mai - 0:04

Les émissaires succèdent aux mandataires. L'Ambassadeur des Iles Plates s'est retiré raidement lui aussi. Les petits royaumes cherchent des alliances puissantes mais rechignent à en payer le prix. Bogumir joue le temps. Le Gardien est le premier des Chronophages. Dressés les uns contre les autres par mille petites rivalités commerciales ou personnelles, les micro-états qui occupent le vaste Archipel qui se déploie au sud ouest de Perehod passent le plus clair de leur temps à manigancer les uns contre les autres. S'assurer un débouché commercial sur tel ou tel port, faire un mariage avantageux, occuper un bout de caillou sur lequel se battent trois moutons, pour la simple vanité d'y dresser l'étendard aux couleurs de la Maison gagnante, voilà ce qui les occupe. Voilà aussi à quoi Bogumir, et son père avant lui, les occupe. L'Archipel : un nuage de cailloux miroitant sur la mer glauque et brumeuse, certains riches, d'autres nus. Un chaos ingouvernable, qui doit le rester pour le plus grand confort des voisins continentaux et au premier chef pour du plus important d'entre eux. A propos de mariage... Bogumir cloue sur place d'un seul regard le marchand qui s'avance, qui rampe serait un mot plus juste, vers lui. Celui là veut une exonération pour une quelconque patente. Son confrère en a obtenue une, il la réclame humblement. Bogumir l'écoute sans desserrer les lèvres. L'homme travaille pour les Marzian. Un très lointain cousinage les lie. Il possède un comptoir à Sebrenitz, sur les Marches du Sud. Un importateur de soieries.

Les soiries de l'Empire Tüng mènent nos tisserands à la ruine. Vendez-les donc plus cher, les bénéfices vous rembourseront la patente. Sachez qu'elle vient d'être relevée d'un cinquième avec effet rétroactif sur deux mois, vous vous acquitterez de votre retard auprès du Maitre Percepteur en sortant.

Un geste du bout des doigts congédie l'importun dont le visage a blêmi sous la nouvelle. Bogumir aime beaucoup jouer ce genre de coups à l'improviste. La raison est valable d'ailleurs, et puis les soies de Tüng remontent rarement jusqu'à Perehod. Pourquoi se priver d'une bonne taxe sur le dos des Marzian ?

A propos de mariage, oui.... Bogumir se creuse la tête pour essayer de raviver un souvenir qui se dérobe. Quand donc doivent passer le Comte Maxime et sa fille, déjà ? Il est grand temps de penser à placer ses deux enfants. Basile est prêt pour les Rites, l'alliance doit être conclue aussitôt après. Quant à Anna, il hésite encore. Sa fille est désirable, les prétendants sont nombreux. Il a encore un peu de temps pour choisir le meilleur parti pour la Maison Senjak. En tout cas ces deux là passent bien trop de temps ensemble. Les bruits les plus scandaleux courent dans les couloirs de Bachnya. Qu'ils se montent l'un l'autre tant qu'il leur chante, peu me chaud. Ca les occupe, au moins ne complotent-ils pas contre moi. Leurs frères étaient bien moins faciles... Ses doigts frappent en cadence l'accoudoir tendu de velours rouge et noir. A ses pieds, un autre quémandeur rampe. Bogumir s'ennuie. Ses douleurs l'élancent, puisque rien d'important ne lui en détourne l'esprit.


Dernière édition par le Lun 16 Juil - 0:16, édité 1 fois
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeLun 21 Mai - 21:37

Une fois arrivés près de l'arbre, les deux jeunes gens ont repassé leurs sacs aux épaules. La remontée depuis le pied des falaises n'a guère été plus facile que la descente. Un peu essoufflés, ils se glissent enfin dans la coursive noire ou ne bat que le silence humide et froid de Bachnya. Dehors, au loin, le crépuscule menace et roule ses nuées rouges sur une mer furieuse. Le ciel n'a pas crevé, heureusement : escalader sur du rocher mouillé n'est pas ce qu'il y a de plus facile. Basile, le premier, se faufile par la meurtrière trafiquée et se laisse tomber sur le sol de pierre glacée. Dans son dos, Anna passe à son tour en se contorsionnant. Basile sourit.

Tu as du mal à passer tes jolies fesses là-dedans, soeurette ?

Il ne faut négliger aucune occasion de la hérisser un petit peu. La colère la rend encore plus désirable. Basile a attendu cet instant. En vérité, une partie de l'escapade elle-même n'était destinée qu'à se résoudre dans ce moment. Pendant toute l'ascension, il s'est laissé hanter par le souvenir de la peau blanche d'Anna. Chaque pierre a vibré sous ses doigts comme un sein frais. A chaque pas, à chaque obstacle vaincu, il écoutait le souffle chaud d'Anna qui battait derrière lui, qu'il voulait boire à nouveau, qu'il fallait boire. Le souffle d'Anna, elixir d'immortalité. Corniche après corniche, de fissures en recoins, il a rêvé la hanche parfaite de sa soeur accolée à la sienne. Le silence minéral de leurs peaux assoiffées. Il a rêvé l'ondulation des corps, l'immense oubli des vents froids qui vous mordent et vous brûlent les os, et tout l'enfer couleuvrin des membres qui se tordent en dépit des lois mesquines des hommes ou des dieux. L'extase des métamorphoses. Il a rêvé ce qui calcine. Ce couteau enfoncé qui passe si près du but, si près du calme, si près. Si près que tout est toujours à recommencer. Il se retourne tandis qu'elle se laisse tomber près de lui en maugréant. Une main dure comme l'acier la plaque contre la paroi. Leur corps s'accolent. Sa voix se fait grognement de fauves en bataille, cris rauques d'acier rougi. Juste le son étrange du désir qui halète.

Qui t'entendra crier ici, ma soeur ? Qui ?

Il pose ses lèvres à l'affleurement de celles d'Anna. Dans la pénombre, le gris des yeux de la jeune fille luit comme les lunes de Perehod. Mais en tellement plus beau...


Dernière édition par le Mar 22 Mai - 11:04, édité 2 fois
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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeMar 22 Mai - 11:00

Le pied qui dérape, la pierre qui s'effrite sous les doigts, le corps qui se tend pour atteindre l'autre prise là-bas, si loin. Et le vide, encore une fois qui l'appelle. Le souffle chaud de sa fatigue sur ses mains qui s'activent n'est que le reflet de l'échauffement du sang qui chemine en elle. L'ouverture dans le mur, enfin ...Elle saute sur les dalles régulières de la coursive et foudroie son frère du regard.

Au moins as tu l'obligeance de reconnaître qu'elles sont jolies !

Son dos se plaque contre la pierre froide du mur. Les nerfs chancellent et hésitent à s'abandonner à cette morsure là, ou à la chaleur cuisante du corps de son frère contre le sien, à la brûlure de son souffle sur ses lèvres. Quelques secondes la respiration se suspend et reprend son cours, soulevant plus vite une poitrine ranimée par l'envie qu'il éveille.

Crier ... aurais tu l'intention d'abuser de ta soeur ? Personne ne t’a jamais dit que cela ne se faisait pas ...

Un murmure riant, une piqûre supplémentaire à leur vice, s'il était nécessaire. Harmonique, résonance des corps qui s’unissent. La même musique, le même rythme contraint les pulsations des coeurs enfouis. Du bout des doigts, elle décrypte le parchemin de ce corps mille fois parcouru ... chaque grain de sa peau, chaque muscle mouvant sous le tissu qui fait barrage ... La bête ronronnante qui sommeille en son ventre se réveille, il est l'heure que la féline réclame son du. Les souffles se conjuguent, elle cesse la lutte, un instant, livrant ses envies à son désir unique. Douleur de la perte de soi, lui, elle, le vide encore. La chute libre. Ne pas s'abandonner trop vite, la chatte reprend ses droits. Elle le repousse fermement.

L'endroit ne serait il pas par trop venteux mon âme ?

Mais l'étau de ses bras qui l'enserre semble bien dire que non. Qu'il faudra faire fi du vent ainsi que de la pluie qui pose son rideau en voile à leurs jeux.
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeVen 25 Mai - 0:24

Trop venteux, ma tempête ? Jamais assez, bien au contraire.

Dehors, la lumière s'éteint dans une agonie de cuivres et de fers gris. Les nuées qui galopent laissent flotter la chape de leur métal terni. Le jour n'est pas fini mais la nuit baigne entièrement la coursive. Le vent gémit et frappe les pierres. Pas que le vent... Basile reprend son souffle. Sur son épaule, la main d'Anna palpite comme un oiseau. Anna : même dans la plus parfaite obscurité, le moindre de ses mouvements, le moindre de ses touchers sature presque entièrement l'espace des sens. Anna, ma soeur, ta main me brûle... Aussi loin qu'il s'en souvienne, depuis qu'Anna à peine sortie de l'enfance, revêtue en splendeur de son jeune corps de femme, colla pour la première fois sa peau à la sienne, aussi loin qu'il s'en souvienne, il en a toujours été ainsi. Basile se rappelle fort bien cette première étreinte. Jamais aucune des hétaïres, aucune des courtisanes dans la couche desquelles il s'était initié aux jeux subtils ou brutaux de l'amour, jamais aucune femme, si experte soit-elle, ne lui avait permis d'atteindre... cela. Avec les courtisanes, il ne partageait, ou plus souvent ne prenait rien d'autre qu'une étreinte des corps. Aucune femme n'a résisté longtemps à l'épuisement du désir de Basile. Corps connu, caresses répétées, l'ennui s'installe vite. C'est une mort si lente. Le vide. Comment se passionner pour des carcasses vides ? Or, dans cette obscurité essentielle où il s'était enfoui pour la première fois dans le ventre d'Anna, il avait su avec elle qu'il franchissait enfin la barrière des corps. Il ne se rappela jamais très bien lequel des deux viola l'autre cette première fois. Lequel de leurs deux corps força celui de l'autre, laquelle de leurs deux âmes pénétra celle de l'autre. Et qui des deux le premier s'était perdu dans l'autre. Ce jour là, son esprit avait brûlé d'un feu terrible. Ce jour là, longtemps avant les Rites qu'il subirait bientôt, il savait qu'il était devenu Homme. Et depuis ce jour là, à chaque mot, à chaque geste, à chaque caresse, son désir devenait plus incandescent. Anna, ma soeur, ma divine catin, où donc as-tu trouvé ce fer au blanc dont tu me fouailles ? Et pourquoi, par instant, le désir devenait-il tellement douloureux ? Il n'est pas de petit désir pour qui doit commander. Basile ne connait plus de petit désir. La tempête n'épargne que les meilleurs capitaines, ceux qui seront Amiraux dans la Flotte de la cité.

Anna, ma soeur, ma tempête, sais-tu seulement combien tu me sculptes ? Ensemble nous les balayerons. Comme des fétus.

Il y a des pas fantômes dans la nuit de pierre noire, des échos qui rampent entre les portes fermées. Au plus profond de Bachnya, il y a des choses qui brûlent.


Dernière édition par le Sam 26 Mai - 23:14, édité 1 fois
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Anna

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeVen 25 Mai - 21:06

Comme s'il fallait mourir pour avoir le droit de renaître. Comme s'il fallait qu'il la tue, l'enfouissant en lui même, pour qu'elle se sente vivante. Les tissus disparaissent dans les ombres du sol. Ne restent que les peaux affamées l'une de l'autre. Ne restent que les âmes se dévorant dans un ballet dansant entre feux et ténèbres.
Les sueurs déchirantes, les membres liés, ils se donnent autant qu'ils prennent. Un vol plutôt qu'un viol. Le rapt de ce qu'il manque à chacun d'eux. L'autre moitié de lui-même, la marque au fer rouge implantée dans leurs ventres.
Les corps s'enflamment, se refusent la liberté des sens, s'enveloppent et s'étreignent. Elle n'est plus que sensations, plus que la carte que tracent ses mains avides sur elle. Et cette bouche qui encore vient réclamer plus, toujours plus. Elle lutte avec son souffle et ce ventre qui n'est que braise pour ne surtout pas lui offrir la joie de l'entendre crier. Leurs étreintes restent des combats, même si les hanches suivent le rythme de son désir, même si le corps accompagne les coups de reins fébriles.
Plus loin, plus profondément enfoui, viens ... Qu'enfin le temps s'arrête, qu'ils se perdent à jamais dans les plaintes du vent. Que son souffle toujours la brûle, la déchire, comme en cet instant où son être la possède. Encore, les lèvres sont contraintes à rester closes, ne pas crier ... s'évanouir en lui en silence. Les yeux ne se quittent que rarement, ils jouissent des égarements de l'autre, de la flamme qui crépite au fond de ces prunelles.
La force qu'il met en toute chose, il la projette dans ce corps à lui seul destiné. Contre la pierre noire, accolée, elle subit l'assaut puissant de ses reins, l'invasion de son être.
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Basile

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeDim 27 Mai - 0:25

Comme à chaque fois qu'il tient Anna entre ses bras, toute la nuit et tout le vent s'éparpillent aux lisières de sa conscience. Seules demeurent deux peaux brûlantes qui s'accouplent et se mêlent. Jamais assez mêlées. A chaque coup de reins il rêve d'une union plus parfaite encore. Se perdre dans le corps comme il se perd dans les yeux d'Anna. Noyé. Abolir la frontière injuste des peaux. Uniques. Le temps s'éparpille à son tour et quand la nuit toute entière n'est plus rien que la houle puissante qui les traverse, Basile plonge son regard au plus profond des yeux gris qui le dévorent. Très longtemps après, la vague qui roule et les déchire en longs spasmes échangés dévoile soudain qu'ils ne sont qu'uns. Puis se retire aussitôt et le ressac les abandonne, deux à nouveau. Tout à recommencer.

Basile sent le souffle d'Anna sur son épaule. Le désir à nouveau nécessaire. Et de la main qui remonte lentement le long de la hanche et du ventre, il mesure la tiédeur de cette peau étrange qui les sépare encore. Un dernier effleurement de lèvres, puis une pression des bras les sépare enfin de la pierre, et l'un de l'autre. Le vent glacé les enveloppe. Assez loin, en haut d'un escalier dont les marches tournent dans les ténèbres de Bachnya, une porte grince et claque lourdement. La Forteresse se rappelle à eux.

Viens, dit-il en enfilant rapidement sa tunique de soie brodée et en laissant tomber ses frusques de débardeur dans le sac de toile rêche. Je parie que le Vieux ne se sera aperçu de rien.

Il rit encore, en souvenir de leur escapade. En haut des escaliers, le rire n'aura plus sa place.
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Fotina

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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitimeDim 27 Mai - 14:10

Tout à coup, le dédale des rues s'évanouit, un arrêt brusque dès que le pied se pose sur le chemin qui monte à la porte. Les habitations se terrent à l'aplomb de Bachnya, mais jamais ne pose leurs fondations sur la route qui mène à elle. Ici, plus de trafic, la voie qui serpente reste en permanence libre. L'ombre des tours bouche l'horizon. Le soldat et la servante avancent d'un pas égal jusqu'à atteindre l'entrée. Il n'y en a pas d'autre, une seule issue existe. Un salut aux soldats à la porte et ils pénètrent sous l'arche sombre. De chaque côté, des portes basses percent la pierre. Ce sont les salles de repos des gardes. Au bout, la lumière qui tombe du puits que forme la cour intérieure. Les cuisines sont au fond, dans les murs qui accueillent la grande salle du Gardien.

On va d'abord passer par les cuisines que j'dépose mon panier, pis on ira voir Mam' Iakov après. M'étonnerais qu'on la trouve pas dans ses vapeurs.
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MessageSujet: Re: Bachnya : la Forteresse   Bachnya : la Forteresse Icon_minitime

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